Frédéric Boccaletti dévoile pour Var Actu les fondements et objectifs de son projet de Service à la Nation destiné aux jeunes adultes.
Frédéric Boccaletti – CREDIT : Var Actu
Alors que le débat autour de l’engagement citoyen des jeunes revient régulièrement sur le devant de la scène, Frédéric Boccaletti, député du Var (RN), a accepté de répondre à nos questions afin de présenter en détail son projet de « Service à la Nation ». Portée en collaboration avec Alexandra Martin, députée LR des Alpes-Maritimes, cette proposition vise à instaurer un dispositif obligatoire entre 18 et 30 ans, articulé autour de deux volets : l’un militaire, l’autre civil.
Dans cet entretien, Frédéric Boccaletti expose les raisons d’un tel projet, les modalités pratiques envisagées, ainsi que les bénéfices attendus pour la société comme pour les jeunes eux-mêmes. De la redéfinition de l’éducation civique à l’intégration du monde associatif et des corps en uniforme, le député varois livre une vision complète d’un parcours d’engagement pensé pour structurer une jeunesse parfois en quête de repères et de perspectives.
Var Actu : Monsieur le député, Frédéric Boccaletti, merci de répondre à nos questions. Tout d’abord, en quoi consiste le Service à la Nation que vous proposez entre 18 et 30 ans ?
Concrètement, à partir de 18 ans et jusqu’à 30 ans, date limite du recensement, nous voulons proposer avec ma collègue Alexandra MARTIN, Députée des Alpes-Maritimes (LR), et pour ma part imposer, aux jeunes la réalisation d’un « Service à la Nation » divisé en deux volets au choix.
Le premier, étant le volet militaire, sur une période définie au préalable, et empreint d’une militarité forte, se rapprochant ainsi fortement du service militaire comme ont pu le connaitre certain d’entre nous avant 1996. Un service militaire donc, qui serait toutefois soumis d’une part au volontariat puisque le choix sera laissé aux jeunes, mais également à une sélection de nos armées inspirée du modèle suédois.
Quelle serait la cible et quel format pour le volet militaire ?
Ce serait aux armées de définir chaque année le nombre d’appelés dont elles auront besoin et de donner à ce service militaire la forme et la durée qu’elles souhaitent. Les profils seraient méthodiquement choisis en fonction des besoins directs, d’où l’importance d’ailleurs de repenser le recensement, non seulement pour la bonne réalisation de ce dispositif, mais également, pour l’organisation de notre résilience en cas de crise majeure.
Je pense fondamentalement à titre personnel que, même si le « Service à la Nation » se doit d’être obligatoire afin de toucher l’ensemble des jeunes sans distinction aucune et les encourager à l’engagement, le volet militaire doit rester un choix personnel.
Pourquoi ne pas imposer le volet militaire ?
Ce volet ne peut en l’état se voir imposer et ce pour plusieurs raisons, à commencer par la différence de contexte dans lequel se situe la France. Contrairement à la Lettonie ou encore à la Suède, deux pays dans lesquels nous nous sommes rendus dans le cadre de notre rapport, la France n’est aujourd’hui ni directement menacée, ni même impliquée dans un conflit majeur et nous tenons à inscrire nos propositions dans la cohérence la plus totale entre les besoins du pays et les réponses que nous allons apporter.
De ce fait, l’acceptation par l’ensemble de la population est en l’état impossible, et nos interlocuteurs ont été unanimes sur le danger et l’impossibilité d’un rétablissement du service militaire comme il existait auparavant, du fait des contraintes financières, humaines et matérielles. Je pense pour autant que cet engagement militaire volontaire et sélectif répond tout de même à des besoins régaliens de recrutement dans nos armées, mais également de réponse aux menaces que connait la France au premier rang figurant bien-sûr la menace islamiste.
Je pense, pour anticiper vos questions, qu’une partie non négligeable des jeunes voudront se diriger vers le volet militaire en ce que le projet que nous portons les aura sensibilisés, comme l’a rappelé ma collègue Martin, depuis le collège aux enjeux et aux défis que représente la Défense du pays.
Si un jeune ne choisit pas le volet militaire, que se passe-t-il ?
Vous l’avez donc compris je porte, et c’est une position personnelle le souhait de voir ce service à la nation obligatoire, et par conséquent les jeunes qui ne choisiraient pas la voie militaire seraient dès lors obligés de se diriger vers le volet civil. Ce volet est une innovation et une piste de réflexion que nous voulons porter, puisqu’il a vocation à répondre à plusieurs besoins.
En effet les jeunes sont aujourd’hui en attente de propositions d’engagement, et de nombreuses structures sont quant à elles en manque de recrutement et de fidélisation. Ce « Service civil » indemnisé, pourrait s’étendre sur une période comprise entre 30 et 60 jours sur la période précitée à savoir de 18 à 30 ans (soit au maximum 1 journée tous les 2 mois et demi.)
On est donc assez éloignés d’un dispositif véritablement contraignant, de même que ce service pourra s’effectuer d’un seul tenant, ou être perlé dans le temps, créant ainsi une obligation de résultat seulement, avoir eu ses 60 jours d’engagement citoyens avant ses 30 ans.
Comment va fonctionner le volet civil ?
Nous avons identifié dans le rapport plusieurs structures ou entités que nous pensons bénéfiques à la vie collective de notre pays et permettant de recréer ce que les français attendent en réalité, à savoir un sentiment d’appartenance à la Nation et un cadre. Les jeunes pourront donc, pour répondre à leur devoir, s’engager au sein de la sécurité civile, je pense notamment aux pompiers, aux policiers, mais également aux gardes natures, aux SNSM, aux CCFF et tant d’autres qui font partie intégrante de la sécurité civile.
Ils pourront également s’engager dans des structures associatives culturelles, de protection de l’environnement, de préservation du patrimoine, ou encore au sein de fédérations sportives. Je pense que ce volet civil permettra de créer chez nos jeunes de véritables vocations en les sortant de leur zone de confort en découvrant de nouveaux horizons, mais ce sera également l’occasion d’intégrer les élus locaux au processus.
Il sera l’occasion, pour les jeunes actifs, de mettre leurs compétences au service de l’intérêt général et, pour les étudiants, d’acquérir une expérience supplémentaire valorisable, soit pour un emploi, soit pour une formation. Dans tous les cas, il montrera la volonté d’implication de nos jeunes pour notre pays, volonté croissante que j’ai pu observer lors de mes visites sur les sites SNU, ou encore au sein des préparations militaires, comme dans ma circonscription à Saint-Mandrier.
Vous dites que ça pourrait aider à trouver des vocations : Pensez-vous que le service à la Nation pourrait aider à réduire le chômage chez les jeunes ?
En effet, je pense que ce « Service à la Nation » tel que proposé créera des vocations chez notre jeunesse en les sortant de leur zone de conforte, et en leur permettant de découvrir de nouveaux domaines et la réalité de certains métiers de la sécurité civile notamment. Si ce « Service à la Nation » ne va pas gommer 50 ans de politique désastreuse de l’emploi, il est certain que ce sera un coup de pouce dans le recrutement pour nos armées, pour les métiers de la sécurité et protection civile, pour les associations et fédérations sportives.
Des secteurs qui peinent aujourd’hui à attirer et fidéliser les jeunes. Je pense également que notre parcours citoyen et de défense permettra, dans sa globalité et donc dès le collège, de créer un état d’esprit favorable à la recherche d’emploi et à l’engagement chez notre jeunesse.
Est-ce qu’il y aura une valorisation ? Quid du civil ?
Évidemment, nous l’avons un peu abordé dans le rapport, mais nous allons demander un effort supplémentaire à notre jeunesse. Pour ma part, qui prône un modèle obligatoire je suis bien conscient que malgré la flexibilité du dispositif, il faut valoriser de manière suffisante cet engagement au service de la France.
Si le caractère très rapide d’une mission flash ne nous a pas donné l’opportunité de trancher tous les points de détail, il est évident qu’une contrepartie financière soit envisagée pour les jeunes qui effectueront le volet militaire, le volet civil pourra quant à lui se voir valoriser d’une contrepartie financière, qui pourra se matérialiser par une bourse à l’enseignement supérieur par exemple.
Comment allez-vous motiver les jeunes à s’engager volontairement, surtout ceux qui rencontrent des difficultés pour entrer sur le marché du travail ?
Premièrement je pense que bon nombre de jeunes sont d’ores et déjà motivés à l’idée d’un service national militaire ou civil, mais je pense également qu’une partie de la jeunesse est aujourd’hui déconnectée de la réalité, que ce soit de la dure réalité du marché du travail ou même plus simplement du respect de la vie en collectivité.
Je pense que notre proposition globale d’un parcours de citoyenneté et défense renforcé, qui commencerait dès le collège par la refont des cours d’EMC permettra de faire comprendre à nos jeunes tous les enjeux et les défis auxquels ils seront confrontés dans les années à venir, et je suis tout à fait d’accord avec l’idée selon laquelle nous allons devoir donner un sens à cet engagement.
Les jeunes suédois et Lettons ont peur d’une guerre prochaine avec leur voisin Russe, nos jeunes à nous ne craignent pas encore vraiment la guerre, mais ils redoutent la montée de l’islamisme radical, ils voient le climat international se dégrader et sont aujourd’hui sensibilisés aux enjeux climatiques, ils seront je pense ouverts à un engagement au service de leur pays, et des Français.
Comment garantir que les cours d’EMC repensés, soient vraiment assurés ?
Tous simplement car ces cours repensés, seront obligatoires pour les élèves et les professeurs, et seront tout à fait indépendants des autres matières. Ils ne se matérialiseront pas seulement comme des cours traditionnels, mais pourront permettre une visite d’un complexe militaire, une rencontre avec un militaire, gendarme, pompier, policier, qui viendront les sensibiliser aux enjeux de défense et sécurité. Le programme, qui se fera bien évidemment en concertation avec les parties prenantes, sera imposé aux professeurs qui en auront la charge.
Faut-il envisager un professeur spécifique pour enseigner l’EMC, distinct de l’enseignant d’histoire-géographie ?
C’est un point que nous n’avons pas abordé du fait des contraintes de temps de la mission flash. Toutefois dans le rapport nous insistons sur la nécessité de former davantage et de sensibiliser les professeurs aux enjeux de défense et sécurité.
Je pense que malgré les idées reçues, de nombreux professeurs seront tout à fait disposés à enseigner cette nouvelle matière, tout simplement car elle répond à des enjeux qui touchent le corps professoral dans sa chaire, l’islamisme radical, qui est aujourd’hui la menace principale de la France, et qui justifie en partie la nécessité d’un engagement des jeunes français, est également la menace principale pour nos enseignants, les récents faits divers étant là pour nous le rappeler.
Pouvez-vous enfin nous préciser votre souhait de mettre en place des sections d’excellence « Défense et sécurité nationale » ?
A côté de ce cours d’EMC repensé, nous voulons également mettre en place des sections d’excellence « Défense et sécurité nationale ». En effet, les classes de défense et de sécurité globale (CDSG) sont, de l’avis général, un succès qu’il est tentant de vouloir généraliser.
Vos rapporteurs ont testé cette éventualité lors de leurs auditions et la réponse qui leur a été faite par les armées est unanime : elles n’ont pas les capacités de marrainer autant de CDSG qu’il y a d’établissements secondaires en France, soit 6 980 collèges et 3 700 lycées.
En d’autres termes, leur nombre va certainement continuer à progresser mais il n’y aura jamais une CDSG par établissement, faute de ressources militaires disponibles et ce, même en incluant les autres corps en uniforme.
De plus, outre la limite de leur nombre, les CDSG présentent une limite temporelle en ce qu’elles sont limitées à une année. Or, il est important que la sensibilisation à l’esprit de défense se fasse dans la durée, si l’on veut qu’elle débouche sur une volonté de défense. Telle est la ligne directrice de vos rapporteurs dans leur proposition de ce parcours.
Conscient de cette double limite, nous avons donc voulu privilégier une autre voie qui est celle de sections d’excellence « Défense et sécurité nationale ». Celles-ci présenteraient l’avantage d’inscrire les CDSG dans la durée mais également de permettre à des étudiants spécialement intéressés par les enjeux de défense et de sécurité et s’y étant particulièrement impliqués au collège d’approfondir leurs connaissances en la matière.
Les élèves de ces sections participeront obligatoirement aux périodes et préparations militaires, composantes à part entière de leur formation, ainsi qu’aux autres dispositifs proposés par les armées, comme les stages de seconde. De telles sections seront ainsi bien plus aisées à gérer par les armées qu’une multiplication des CDSG car leur nombre sera limité et elles s’inscriront dans des dispositifs militaires existants.
Comment faire pour que l’éducation à la citoyenneté et à la défense ne passe plus au second plan dans les établissements scolaires ? Obliger des présences à certaines cérémonies ?
En supplément du cours d’EMC repensé et obligatoire du collège au Bac précité, dans la rapport nous avons tenu à créer une cinquième composante à ce parcours de citoyenneté et défense renforcé, à savoir d’associer les établissements scolaires aux cérémonies nationales.
Car le constat est largement partagé que ces dernières, qui commémorent la mémoire des faits d’armes des grands hommes, des combattants et le sacrifice des victimes civiles ou militaires des guerres, attirent peu les jeunes aujourd’hui. Il serait par conséquent plus efficace d’associer directement les établissements scolaires à l’organisation d’un moment dédié à la mémoire, s’en remettant à l’échelon local pour l’organisation de cette journée patriotique.
En outre, il me semble important d’associer les parents à la cérémonie, qui pourrait aussi avoir lieu dans l’établissement scolaire. À plusieurs reprises, en effet, lors des auditions, est revenue la nécessité d’une cohérence des messages. Comme l’a souligné le contre-amiral Berlizot, « l’esprit de défense se construit dans le temps long et repose sur une cohérence globale des messages, évoquant les éducateurs spécialisés qu’il rencontrait dans son poste précédent.
Tous soulignaient l’importance que le message délivré à l’école, au sein des familles et à l’occasion des activités tierces soit cohérent ». Associer les parents permettrait ainsi de faire entrer l’esprit de défense dans les familles et d’en faire un sujet de discussion commun.