Voici notre interview d’Arnaud Sion, Spécialiste du Café et de la Vanille : « La flambée des prix du café va durer plusieurs années ».
Arnaud et le café – CREDIT : Arnaud Sion
Le prix du café ne cesse de flamber. Nous avons fait un reportage avec Arnaud Sion pendant le mois de septembre 2024 sur faut qu’on en parle avec la sécheresse dans le Minas Gerais au Brésil.
Aujourd’hui, le prix du café va encore grimper. Mais il y a deux cotations au Brésil, le café Arabica Gourmet qu’on nomme café spécial et le café normal, Arabica. Je vous conseil de lire l’article d’Arnaud sur les 7 grains de café au Brésil et surtout son article sur le café Catuai qui est un café qui est une pure merveille :
Voici un résumé de son article :
L’histoire du catuaí, considéré comme le premier café d’arabica produit et cultivé par l’Homme.
Sa création est dû au généticien Alcides de Carvalho. Chercheur à l’Institut Agronomique de Campinas (IAC), il croise, en 1949, deux variétés d’Arabica : Mundo Novo et Caturra.
Alors maintenant vous savez que l’origine du café catuai est un café hybride qui provient du Mundo Novo et Caturra.
Mais ce n’est que dans la seconde moitié du siècle dernier, plus précisément en 1972, après 23 ans de recherches et de tests, que le catuaí a été officiellement lancé sur le marché.
Là, il a commencé une trajectoire ascendante dans le monde des cafés et les cafés qu’on appelle le café gourmet.
En effet, au champ, le résultat du croisement a généré une plante pleine de qualités et des cerises de café intense. En tant qu’héritage génétique du nouveau monde, le cépage catuaí a acquis une bonne vigueur et rusticité et de la caturra, a hérité de la petite taille et de l’excellente capacité de production. Donc c’est un café robuste…. .
Var Actu : Arnaud Sion, vous avez parlé dans vos vidéos que le prix du café a augmenté de près de 40 % en 2024. Comment expliquer cette hausse spectaculaire ?
Arnaud Sion : Cette hausse est principalement liée à des facteurs climatiques qui ont fortement impacté les récoltes. Les principales régions productrices, comme le Brésil, la Colombie ou le Vietnam, ont subi des épisodes de sécheresse, des vagues de chaleur et même des gelées ces dernières années. En aout 2024 et 2023, le Brésil à enregistré des taux d’humidité à 20% dans une partie du Minas Gerais pendant plus de 3 semaines, ce qui a entrainés des avortements dans les fleurs de caféier par exemple. Des gelés en Juin et Juillet pendant l’hiver qui a entrainé une perte des grains avant la récolte. Ces phénomènes ont stressé les plants de café, réduisant considérablement les rendements. Par exemple, au Vietnam, premier producteur de robusta, la production a chuté de 20 % en 2023/24. Résultat : l’offre mondiale diminue, tandis que la demande reste forte, ce qui fait grimper les prix. Il faut savoir que l’état d’Espirito Santo va augmenter son offre de café Robusta mais les quantités qu’il produit environ 54 millions de sacs de 60kg. Il ne faut pas oublier que si le Minas Gerais serait un état, il serait le premier producteur mondial de café, il y a 1.334.482 hectares de cultures de café Arabica.
Var Actu : Cette situation est-elle temporaire ou durable ?
Arnaud Sion : Malheureusement, cette tendance devrait durer au moins quatre ans, selon un récent rapport de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). Les stocks mondiaux sont au plus bas et les conditions climatiques restent imprévisibles. Il faut savoir que les stocks dans les ports sont vides. J’ai visité un entrepôt de café dans le Minas Gerais, l’entrepôt est vide, il n’a pas plus de stock, les stocks qui était en présent était déjà vendu depuis 6 mois. Même si les producteurs augmentent leurs surfaces cultivées, il faut plusieurs années pour qu’un plant de café atteigne sa pleine productivité. En attendant, les prix vont rester élevés, voire continuer à augmenter si de nouvelles perturbations surviennent. Il faut savoir quand le caféier est jeune, il est plus susceptible au aléas climatique.
Var Actu : Comment cette hausse se répercute-t-elle sur les consommateurs ?
Arnaud Sion : L’impact sur les consommateurs est progressif. Par exemple, dans l’Union européenne, 80 % de la hausse des coûts des grains bruts se répercutent sur les prix de détail en 11 mois. Aux États-Unis, cela prend environ 8 mois. Cependant, l’augmentation finale pour le consommateur est souvent atténuée par d’autres facteurs, comme les coûts de transport, de torréfaction ou de marketing. En revanche, dans les pays producteurs, comme le Brésil, l’inflation du café a déjà atteint 66 % sur un an, ce qui pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages. Il faut savoir qu’en Europe on va faire des blendes on mélange du Robusta avec de l’Arabica. Au Brésil c’est interdit de faire cela, si on veut vendre un café de qualité.
En autre on constate que le café spécial augmente moins vite que le café arabica normal.
Var Actu : Les producteurs bénéficient-ils de cette hausse des prix ?
Arnaud Sion : Pas autant qu’on pourrait le penser. C’est un peu comme dans le crise de la vanille que j’ai développé dans mon article le prix de la vanille. Bien que les prix à l’exportation aient explosé, les producteurs ne captent qu’une partie de cette hausse. Par exemple, au Brésil, les prix payés aux producteurs ont augmenté de seulement 13,6 % en 2024, ce qui est loin des 70 % d’augmentation du café arabica sur les marchés internationaux. Les coûts de production, notamment liés aux engrais et à la main-d’œuvre, le diesel, car il faut des camions, des machines pour la récolte et aussi des pick-up et l’ensemble de ses éléments ont augmentés
Var Actu : Quels sont les autres facteurs qui contribuent à cette flambée des prix ?
Arnaud Sion : Outre le climat, plusieurs éléments entrent en jeu. D’abord, la logistique : les conflits au Moyen-Orient ont fait exploser les coûts d’expédition, notamment ceux des conteneurs. Le covid à fait augmenter les conteneurs et ensuite des conteneurs ne repartent pas des USA pour la Chine et le manque entraine une aussi des prix. Les compagnies de fret maritime ont fortement augmenté les prix et les gouvernements en Europe ne vont rien pour faire baisser les prix. Ensuite, la demande mondiale ne cesse de croître. Le café est la deuxième boisson la plus consommée au monde après l’eau, et de nouveaux marchés, comme l’Asie, s’ouvrent à la consommation de café de qualité. Enfin, la crise au Vietnam, premier producteur de robusta, a créé un déséquilibre supplémentaire sur le marché.
Il faut savoir que le thé à eu des augmentation de plus de 50% pour certaines variétés en 2 ans.
Var Actu : Le café robusta est-il aussi touché que l’arabica ?
Arnaud Sion : Absolument. Le robusta, souvent considéré comme moins noble que l’arabica, a même atteint des records historiques. En septembre dernier, pour la première fois en sept ans, le robusta a dépassé l’arabica en termes de prix. Cela s’explique par la baisse de production au Vietnam, qui fournit une grande partie du robusta mondial. Les torréfacteurs et les industriels, qui utilisent souvent du robusta pour les mélanges ou les cafés instantanés, se retrouvent donc confrontés à des coûts plus élevés.
Var Actu : Que peuvent faire les consommateurs face à cette hausse des prix ?
Arnaud Sion : Il faut d’abord comprendre que le café est un produit agricole soumis à des aléas. Les consommateurs peuvent privilégier des cafés de qualité, même s’ils sont plus chers, car ils offrent un meilleur rapport qualité-prix. Ensuite, il est important de soutenir les marques qui s’engagent dans une production durable et équitable, car cela contribue à améliorer les conditions des producteurs et à préserver l’environnement. Enfin, anticiper les achats et éviter le gaspillage peut aussi aider à limiter l’impact sur le budget.
Ensuite vous pouvez consommer du thé noir qui offre un très bon rapport qualité prix.
Var Actu : En tant que spécialiste, pensez-vous que cette crise pourrait avoir des effets positifs à long terme ?
Arnaud Sion : Paradoxalement, oui. Comme toute crise, on peut parler de destruction créatrice, comme aime le décrire Schumpeter. Cette crise pourrait inciter les producteurs à adopter des pratiques plus durables, comme la diversification des cultures ou l’agroforesterie, pour mieux résister aux aléas climatiques. Elle pourrait aussi pousser les consommateurs à mieux comprendre la valeur du café et à soutenir des filières plus éthiques. Mais pour cela, il faut une prise de conscience collective et des actions concrètes de la part de tous les acteurs de la chaîne, des producteurs aux distributeurs. On le voit déjà avec le cacao, le retour de bâton arrive, des pâtissiers qui vont fermer boutique, les consommateurs vont se tourner vers d’autres alternatives même si cela est difficile pour le cacao et il va avoir une baisse de la consommation. Il faut surtout arrêter avec les traders en matière première. Celui qui achète doit stocker ou réemballer et ne pas faire de l’achat et vente. Acheter un conteneur et le vendre avant son arrivée au port.
Var Actu : Merci, Arnaud Sion, pour ces explications claires et détaillées.
Arnaud Sion : Merci à vous. N’oublions pas que derrière chaque tasse de café, il y a des milliers de producteurs qui travaillent dans des conditions souvent difficiles. Soutenons-les en choisissant un café de qualité et en valorisant leur travail. Car depuis 2010, c’est mon objectif pour la vanille de Madagascar et aussi pour l’açai qui provient d’un projet de reforestation au Brésil en Amazonie.
Voici la vidéo d’Arnaud sur l’explosion du café, retrouvez chaque semaine une interview d’Arnaud sur le prix des aliments et des matières premières pour décrypter le monde des matières premières.